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Le Docteur
 : (…) Il m'avait dit...« Faudra un jour quitter l'Indochine... pour toujours. » « On achètera une jonque et on rentrera à la voile ; quatre mois de mer. Après ça ira mieux. »

Il avait été invité par le Vénérable Luong. Une sorte de prophète fou... il s'était rallié aux Français. Willsdorff l'avait dégagé une nuit... par une de ses charges au clairon.

C'est cette nuit-là qu'on a décidé : le jour où il faudra partir, on rentrera à la voile … « quatre mois de mer. Après, ça ira mieux. »

Il voulait profiter de la mousson du nord-est pour filer sur Singapour et le détroit de la Sonde. Mais en 53 on a été séparé, Willsdorff est resté dans le Delta et je suis parti... pour Muong-Laï, sur la haute Rivière Noire.

Mon opérateur radio a capté... « Lieutenant de Vaisseau Willsdorff porté disparu, présumé mort ».

A la fin de la guerre, quand il a été libéré, je suis allé le chercher. La première chose qu'il ma dite, euh,… « Mon vieux, c'est maintenant qu'il faut trouver notre jonque ! » Physiquement il avait bien supporté sa captivité. Un peu de béribéri, paludisme, dysenterie... Trois mois plus tard, il semblait avoir retrouvé sa forme. Mais il avait changé. Il a acheté la jonque... et je ne suis pas parti.

 

Le Commandant : Pourquoi ?

 

Le Docteur : « Adieu vieille Europe, que le diable t'emporte ! » comme nous disions à l’époque. Je ne savais pas ce que j'allais faire... Quitter la Marine, évidemment. Mais ce que je savais... c’est que …je ne voulais pas partir.

 

Le Commandant : Vous avez quand même fini par rentrer.

 

Le Docteur : Oui, l'année dernière.

 

Le Commandant : Et vous avez demandé votre réintégration au service santé de la Marine ?

 

Le Docteur : Oui.

 

Le Commandant : Pourtant la clientèle privée, ça marche très bien.

 

Le Docteur : Très bien, oui.

 

Le Commandant : Trois galons à votre âge... Aux Maldives Willsdorff disait qu'il avait deux amis : vous et son chat. Sale bête.

 

Le Docteur : Vous l'avez revu ? (…) Willsdorff... Vous l'avez revu ?

 

Le Commandant : Je vais sur la passerelle. Ne m'attendez pas. Vous le verrez sur les bancs. Il est capitaine d'un chalutier : le « Shamrock » de Fécamp. Sur les bancs on l'appelle l'Alsacien. (Il va à la porte et marque un arrêt avant de sortir.) Ah Docteur, j'oubliais : sur ma passerelle on ne parle que pour raison de service.



"Il se promène toujours avec un chat noir; il l'appelle "Ma conscience"..."

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