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L’on sait que, depuis le début de l’affaire syrienne, des officines sont à l’œuvre et travaillent à présenter une certaine lecture de ce qui se passe dans ce pays afin de vendre la guerre ou, plus gentiment dit, de « faire valoir la cause de la paix et la défense des droits de l’Homme » … tout en menant une guerre, bien sûr.

Nous ne pouvons pas ne pas nous souvenir du précédant yougoslave, avec l’action menée en son temps par la société Ruder Finn Global Public Affairs, action qui consistait non à faire valoir la réalité de ce qui se passait dans ce pays déchiré mais à « forger » une nouvelle lecture de la situation et à « vendre la guerre » au profit de quelques uns. Par le biais de mensonges, de demi-vérités, d’omissions, Ruder Finn a ainsi fait valoir dans ce conflit le camp des « gentils » (les Croates, les musulmans Bosniaques, les Albanais-kossovars) et celui des « méchants » (les Serbes). Une fois l’opinion publique acquise, il fut plus aisé aux « alliés » d’intervenir militairement contre la Serbie.

logo XlargeDe manière consciente ou non, les journalistes écrivant sur les événements de Syrie, construisent une situation qui ne correspond en rien à la réalité. Pour accréditer leurs propos, ils essaient de donner de pseudo informations sensées, non seulement prouver leur travail, mais aussi montrer le mécanisme de ce conflit, expliquer ce qui s’y passe au lecteur français.

Malheureusement, dans leur activité d’écriture et de rédaction, nos journalistes ressemblent péniblement à Albert Londres et bien plus à Marco Polo. Pour ceux qui ne le sauraient pas, rappelons que le récit intitulé « Le devisement du monde » écrit par ce voyageur italien de la fin du XIIIème siècle ressemble davantage à un « travestissement du monde », tant la réalité est bien loin de ce qu’il dit avoir vu et vécu. Quelques bribes de vérités et des nuages de divagations, d’approximations, de mensonges même.

Dans une dépêche de l’AFP publiée récemment par l’hebdomadaire Le Point, nous avons un bon exemple de ce « travail » sur la réalité et de ce travestissement des choses. Pour agrémenter l’écrit, il nous est donné une pseudo explication des dynamiques interconfessionnelles. Mais seuls tombent dans le panneau les ignares, les incultes, les aveugles, les complices aussi.

Voyons la chose. Nos commentaires suivront l’article.

the lie is their truth 03 

 

Tableau de Stephen Pitt (modifié)


 

= DEBUT =

La population estime que le régime joue la déstabilisation interconfessionnelle.

© Leal Olivas / AFP

Le Point.fr - Publié le 17/07/2012 à 11:25 - Modifié le 17/07/2012 à 11:46

http://www.lepoint.fr/monde/treimsa-le-massacre-visait-a-creer-une-guerre-confessionnelle-en-syrie-17-07-2012-1486279_24.php

Selon la population, le "massacre" a été commis par l'armée épaulée par des miliciens alaouites pour susciter une guerre confessionnelle.

La population sunnite de Treimsa est formelle : le "massacre" du 12 juillet a été commis par l'armée syrienne épaulée par des miliciens alaouites des "chabbihas" pour susciter une guerre confessionnelle dans le pays. La haine était palpable lundi dans les rues de cette cité d'une dizaine de milliers de personnes du centre de la Syrie et il semble peu probable que les habitants pardonnent un jour les exactions dont ils ont été victimes. "Jamais", affirment sans la moindre hésitation les habitants interrogés.

Plus de 150 morts

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), des bombardements et des combats ont fait jeudi plus de 150 morts à Treimsa, dont des dizaines de rebelles. Certains ont aussi été "exécutés sommairement" ou tués en tentant de fuir et une trentaine de cadavres ont été brûlés. La communauté internationale a condamné un "massacre". Le régime a démenti, disant avoir combattu des "terroristes", terme qu'il utilise depuis le début de la contestation le visant, il y a 16 mois, qui s'est militarisée au fil du temps face à la répression sanglante.

Les observateurs de l'ONU venus sur place à plusieurs reprises ont estimé que l'attaque "semblait viser des groupes et des maisons spécifiques, en majorité de déserteurs et de militants", et ont indiqué que le bilan était "toujours incertain". Ils ont souligné que "de nombreux types d'armes" avaient été utilisés, dont des armes lourdes, ce que le régime a de nouveau démenti, mais qui correspond à ce que l'AFP a vu sur place. Pour un médecin de Treimsa, qui demande l'anonymat pour sa sécurité, cette tuerie s'explique "sans doute parce que la ville est à la limite d'une zone alaouite".

"Treimsa est entourée d'alaouites, voilà la raison !"

Abou Amar, commandant local revendiquant 1 200 rebelles sous ses ordres, explique que "l'armée d'Assad bombarde depuis 15 jours tous les villages et villes (sunnites) qui sont à la lisière de la région alaouite", située à cheval entre les provinces de Hama et de Lattaquié (centre et ouest). "Khan Cheikhoune, Kafar Zeita, Latamné, al-Laqbé, Treimsa, Amourién... les bombardements n'arrêtent pas contre 33 villages et villes sunnites", explique Abou Amar. Le journaliste de l'AFP y a vu tomber régulièrement des roquettes lundi.

Bachar el-Assad et les principaux piliers du régime sont alaouites - une émanation du chiisme qui représente 10 % de la population, alors que la majorité des opposants sont sunnites (80 %). Les 10 % restants sont des chiites, druzes, ismaéliens ou chrétiens. Dans le djebel Shahchabou, de petites montagnes surplombant la plaine agricole où se trouve Treimsa, un groupe de révolutionnaires discute autour du traditionnel thé sucré brûlant.

L'ambiance résume l'opinion des sunnites de la région : "Treimsa est entourée d'alaouites, voilà la raison !" lance l'un d'eux. "Tous les alaouites sont des chabbihas !" dénonce un second. "Assad veut éliminer tous les sunnites", assure un troisième. "Il veut créer une guerre confessionnelle", ajoute un quatrième. Dans la ville sunnite de Kornaz (22 000 habitants), tout près de Treimsa, le chef politique de la révolution, Abderrazak Al Hamdou, joue l'apaisement : "Le régime veut transformer la révolution en guerre civile. Mais nous refusons ça. Depuis des décennies, nous avons eu des relations amicales avec les alaouites, et aujourd'hui encore. (...) Nous pouvons pardonner aux alaouites qui ne sont pas mêlés au massacre."

Mais Tayssir Chabane, chef militaire de la localité, est nettement plus catégorique : "Les villageois alaouites d'ici sont tous des chabbihas."

= FIN =

Mearsheimer book Why leaders mie 

 

Commentaires

Déjà le titre : « La population estime que le régime joue la déstabilisation interconfessionnelle ». Si l’on comprend bien ce qui est dit, Damas jouerait sur les différentes composantes religieuses et confessionnelles du peuple syrien pour défendre ses positions et se maintenir en place.

Pour illustrer ce titre, nous est présenté un exemple sensé être flagrant de cette manipulation étatique, diabolique. Cet exemple est celui d’un « massacre » qui a eu lieu le 12 juillet à Treimsa (Tremsa, province de Hamah, au Centre Ouest du pays), acte commis sur des « sunnites » (les gentilles victimes) « par l’armée syrienne » aidée des milices alaouites (les méchants tueurs) appelées des « chabbihas » (il faut donner des termes locaux, cela fait plus vrai, authentique ; avec de tels termes, l’on montre que le journaliste « sait » ce qui s’y passe). Dans le récit, il faut des éléments sur les composantes religieuses pour faire accroire à la compréhension des faits par le journaliste et à l’impartialité de ce qu’il « relate » et au fait que l’on cherche à expliquer les données brutes au lecteur. Cette action a été menée, est-il dit, pour « susciter une guerre confessionnelle dans le pays » (cela est sensé être une explication terminale, et définitive ; nous aurions enfin l’explication de telles horreurs). Mais l’on reste pourtant sur notre faim.

Alors, quelques remarques.

Que l’armée syrienne, confrontée à l’insurrection armée, se fasse aider par des miliciens Alaouites, c’est possible, voire probable. Par contre, l’on se demande bien pourquoi l’Etat syrien chercherait-il à « susciter une guerre confessionnelle dans le pays » alors qu’une telle action ne ferait que fragiliser encore plus le pouvoir en place et ne ferait que le déstabiliser dangereusement. N’oublions pas que les rebelles sont sunnites et que la majorité du pays est sunnite.

Mais nous n’avons pas plus d’explications sur ce mécanisme machiavélique mis en œuvre ; pas de révélation.

Vient ensuite un récit avec quelques détails qui suggèrent une connaissance de ce qui se passe concrètement « sur le terrain » ; nous avons un quasi témoignage issu, est-il précisé, « du centre de la Syrie », au cœur de la bataille donc. C’est ainsi, lecteur, un fait quasiment irréfutable, certain, avéré, incontestable. Qu’apprend-t-on ? Que suite à ce « massacre », commis par l’armée syrienne et les sbires du régime, celui-là suscite « la haine dans les rues », une haine « palpable » (le journaliste était là, comprenez, il a « senti », quasi touché, cette haine) haine fruit des exactions qui ne pouvaient être commises que par des « méchants » (ce n’est pas dit mais c’est en sous-entendu, car oui, il faut simplifier pour expliquer), exactions qui ne seront « jamais pardonnées » donc. Il faut aussi justifier et préparer les esprits aux violences futures…

En fait de « massacre » à Treimsa, il semblerait que ce soit le résultat d’un affrontement entre forces légales et rebelles, affrontement qui fut une déroute pour ces derniers, et donc une victoire pour le régime. Le bilan serait de 37 rebelles tués, et deux civils. Il s’avers impérieux donc pour les « travestisseurs » de ne pas relater de tels événements qui pourraient porter préjudice à la cause des rebelles, à l’international comme au niveau local. Au contraire, il s’agit de tirer profit de la situation et de revisiter les faits. L’armée et ses sbires n’auraient pas tenté de reprendre une ville aux mains des insurgés mais délibérément massacré une population paisible dans un village paisible. L’abomination donc.

Pour « corroborer » le fait, les chiffres maintenant et la source de ces chiffres. « 150 » morts, « 150 » massacrés. La source ? L’OSDH, l’observatoire syrien des droits de l’homme. Un « observatoire », sensé être neutre dans le conflit et donnant, tels un institut de statistiques, des chiffres neutres, observés sur le terrain, alors qu’il n’est qu’un bureau d’activistes des Frères Musulmans – c’est-à-dire une représentation/émanation de l’insurrection - , installé à Londres (en pays occidental et donc une « preuve » supplémentaire de sa « neutralité »). Si cet OSDH était basé plus près de la Syrie (ce qui serait parfaitement compréhensible), comme par exemple en Irak, en Turquie, ou dans une des monarchies du Golfe, cela eut été moins probant voyez-vous. Et puis, cet OSDH met en avant, par son nom même, ce qui est sensé sous-tendre ses actions, sa « philosophie » : les « Droits de l’Homme ». Comment alors oser suspecter l’impartialité, la neutralité, la bienveillance de cet observatoire… De plus, la personne qui, par outrecuidance, irait jusqu’à la critiquer, se désignerait immédiatement, par un mécanisme de renvoi symétrique, comme étant hostile aux Droits de l’Homme et donc issu du camp du mal, des méchants, des soutiens au régime de Bashar Al-Assad, bref, presque du camp hitlérien.

Dans la suite du récit, c’est presque l’apothéose, avec ces lignes :

« Certains ont aussi été "exécutés sommairement" ou tués en tentant de fuir et une trentaine de cadavres ont été brûlés. La communauté internationale a condamné un "massacre". Le régime a démenti, disant avoir combattu des "terroristes", terme qu'il utilise depuis le début de la contestation le visant, il y a 16 mois, qui s'est militarisée au fil du temps face à la répression sanglante ».

Nous avons là un florilège de la littérature de guerre civile et des actions des « méchants ». Une quintessence de la scène de tuerie, et des poncifs justes bons à toucher le pathos et non la raison, et à orienter le lecteur vers une seule et même conclusion : les méchants sont avec Bashar Al-Assad, les bons dans la rébellion et il n’y a pas d’autres alternatives (TINA, There Is No Alternative).

N’oublions pas aussi la condamnation du massacre par la « communauté internationale », cette communauté bien singulière qui ne rassemble généralement et uniquement que les partisans de la « bonne cause », celle de la « gouvernance mondiale », celle des « Droits de l’Homme », celle du libéralisme économique, etc. ; si l’on s’en tient juste au nombre, ladite communauté rassemble bien moins de la moitié de la population terrestre. La Chine, la Russie, l’Iran, par exemple (trois pays opposés à toute intervention militaire en Syrie) et bien d’autres pays n’en font pas partie.

Le « journaliste » poursuit :

« Les observateurs de l'ONU venus sur place à plusieurs reprises ont estimé que l'attaque "semblait viser des groupes et des maisons spécifiques, en majorité de déserteurs et de militants", et ont indiqué que le bilan était "toujours incertain". Ils ont souligné que "de nombreux types d'armes" avaient été utilisés, dont des armes lourdes, ce que le régime a de nouveau démenti, mais qui correspond à ce que l'AFP a vu sur place. »

Dans la première phrase, rien de bien particulier, si ce n’est que l’ONU ne se risque pas, comme notre vaillant « journaliste », au décompte des tués. Néanmoins, s’il est fait mention ici explicitement de l’ONU, c’est parce que le témoignage des observateurs onusiens semble aller dans le sens des propos du journaliste quant aux cibles touchées. La deuxième phrase est plus intéressante. Il est évoqué l’utilisation d’ « armes lourdes » ; immédiatement le journaliste pointe le doigt sur le régime car l’AFP était là et à vu ! L’AFP sait ! Cependant, que des armes lourdes aient été utilisées dans l’affrontement, c’est tout à fait possible et même probable; mais à ce que l’on sait également, ces armes « lourdes » ne sont pas l’apanage des seules forces armées syriennes puisque les rebelles les utilisent également, ayant reçu cet arsenal par le biais des puissances du Golfe et la bienveillance de pays comme la France. Tout ce que l’on peut donc dire, c’est qu’il y a eu des combats, que des armes lourdes ont été utilisées, qu’il y a eu des tués, mais rien de plus.

Dernière phrase du paragraphe :

« Pour un médecin de Treimsa, qui demande l'anonymat pour sa sécurité, cette tuerie s'explique "sans doute parce que la ville est à la limite d'une zone alaouite" ».

Nous avons enfin LE témoin, « anonyme » (« pour sa sécurité », bien sûr, car notre journaliste serait tout à fait en mesure de nous donner son vrai nom, et même son adresse et tout et tout ; le témoin anonyme étant paradoxalement la « preuve » de la véracité du récit) ; ce témoin anonyme est un médecin de surcroit (qui mettrait en doute la parole d’un médecin ? Seuls des « méchants » peut-être…). Ce médecin donc, nous donne enfin la clef de l’énigme : le massacre a été perpétré… « parce que la ville est à la limite d'une zone alaouite ». Le pot aux roses est découvert, la vérité a jailli du fond du puits, le régime de Bashar Al-Assad mis à nu !

Quand on sait que les Alaouites sont une des minorités en Syrie, qu’ils n’occupent majoritairement qu’une portion du territoire (à l’Ouest de Hamah justement), on se demande bien pourquoi l’armée syrienne se serait laissé aller à commettre une exaction contre des villages, des villes limitrophes au territoire Alaouite. Une telle action ne pouvant avoir, tout au contraire, comme conséquence, que pousser ces alentours sunnites à basculer vers la rébellion, à réagir contre les « protégés » du régime, contre les Alaouites ! Cela n’est pas cohérent du tout. Il y a sûrement une autre explication ; laquelle ne nous est pas donnée bien entendu. Peut-être que la version du « massacre » n’est pas simplement la bonne et qu’il s’agit uniquement d’un accrochage entre les deux camps dans cette ville de Treimsa, accrochage ayant entraîné la mort de X personnes dont peut-être des civils – n’oublions pas que nous sommes jour après jour en situation de guerre civile en Syrie.

Bouteille mensonges presse

A toutes fins utiles, lors du décès du journaliste français en Syrie, le 11 janvier dernier, l’armée syrienne avait été immédiatement mise en cause dans les médias et les chancelleries. Or, il apparaît aujourd’hui que le journaliste en question, Gilles Jacquier, a été en fait la « victime d’une bavure des rebelles », comme nous l’apprend Le Figaro (1). Ces rebelles ne sont d’ailleurs pas présenté comme responsables directs mais ayant juste commis « une bavure ». Cependant, tuer un journaliste occidental délibérément puis ensuite faire porter la responsabilité sur les troupes syriennes par des manipulations médiatiques (pour attirer les regards, polariser les bons et les méchants et forcer à prendre partie), c’est tout à fait plausible et réalisable ; à tel point d’ailleurs que cela a été fait !

Méfions nous donc des déclarations intempestives sur ce qui se passe en Syrie actuellement où les combats qui s’y déroulent ne sont pas seulement d’ordre militaire mais aussi et peut-être surtout d’ordre médiatique, pour le contrôle de l’information. Pensons, par exemple, à l’opération « Plomb durci » à Gaza en décembre 2008, où les israéliens avaient beaucoup œuvré dans les espaces d’information au préalable pour pouvoir « anesthésier » les commentateurs et éventuels critiques  - on lira à ce sujet avec intérêt l’article de Michel Goya, (2) - ou encore, plus loin dans le temps, en ex-Yougoslavie avec le « travail » de la société Ruder Finn (3).

Quant au dernier paragraphe de l’article de l’AFP, modèle de désinformation, il est très riche d’enseignement quant aux variantes utilisées, aux techniques employées.

Le Commandant local des rebelles coiffe, nous dit-on, 1 200 personnels. On les imagine aisément armés d’autre chose que de bâtons ou de fourches, bien plutôt d’armes de guerre de tout calibre, dont des armes dites « lourdes » (mortiers essentiellement). Et pour déloger des rebelles ainsi armés, cela ne se fait pas juste au fusil d’assaut car sinon c’est une guerre de position (longue) qui est engagée ; il faut donc avoir une puissance de feu suffisante pour reprendre le terrain et neutraliser son adversaire.

Ce Commandant en question, interlocuteur de notre journaliste AFP, nous dit que des villes et des villages sunnites sont bombardés depuis 15 jours par l’armée syrienne. Quinze jours de bombardement ! c’est beaucoup. Ce que l’on ne nous dit pas, c’est le rythme des canonnades. En effet, si le bombardement est continu, les villes et les villages n’ont plus d’édifices debout en à peine quelques jours seulement de ce traitement. Ces tirs peuvent être de barrage et/ou de saturation, ils peuvent avoir différents objectifs : fixer les adversaires et les confiner dans une zone précise, ou alors les anéantir par des tirs sur objectifs repérés de concentration des rebelles. L’armée ne se permettrait pas de tirer sans discernement car cela se retournerait irrémédiablement contre elle, jetant la population dans les bras des rebelles. Bref, ces éléments sont bien flous mais d’un flou artistique délibéré. Une image nous est ainsi donnée en filigrane, celle d’une armée syrienne qui, par bombardement, raserait délibérément villes et villages (paisibles, innocents), ce qui est totalement délirant, absurde.

Et puis toujours des noms de villes et de villages, pour donner du corps au texte. Sans oublier le nombre, trente-trois, pour avoir l’ampleur de l’attaque. Une attaque d’anéantissement, juste car « ce sont des villages sunnites ». Si tel était vraiment le cas, compte tenu que les sunnites constituent 75% de la population syrienne, c’est quasi l’ensemble de la Syrie que l’armée syrienne devrait bombarder, à commencer par Damas !

En dehors d’être témoin (martyr, en grec ancien) du drame, notre journaliste voit des roquettes tomber. De quel camp sont elles issues ces roquettes ? dans quelles circonstances ? sur quels objectifs ? On ne sait rien. Vient alors le « plus » du journaliste lequel décrypte en géopoliticien la donne syrienne, en fournissant les composantes religieuses du pays. Cependant en rester à ces seuls chiffres n’est pas suffisant car les explications ne sont jamais monocausales en matière géopolitique, n’importe quel spécialiste vous le dira. Il n’y a pas que les religions qui clivent en géopolitique mais aussi les clans, les ethnies, les idéologies, tout comme la géographie, l’histoire, la langue et les cultures, les coutumes, etc.

Qu’il y ait une minorité dirigeante, c’est tout naturel, quand bien même elle serait issue pour une large part des Alaouites. C’est le compromis qui avait cours au Liban par exemple, du temps de sa splendeur (avant 1973). Dans les sociétés non frappées par la modernité triomphante et encore structurée traditionnellement, ce sont toujours des minorités organisées qui dirigent, que ce soit au Proche-Orient, en Afrique ou en Asie. Mais la Syrie ne correspondrait pas au modèle du pays vu par les mondialistes et c’est ce qui gêne cette caste. Partout devrait régner la règle du « one man, one vote », principe démocratique totalitaire, ne correspondant pas à tous les modèles de sociétés (Traditionnelles versus Modernes) ? Qui plus est, la Syrie est une « République Arabe », ce qui ne plait pas du tout aux voisins, ces monarchies pétrolières islamiques sunnites, dont le « grand ami de la France », l’Emirat du Qatar (celui là même qui finance les islamistes du Sahel et qui arme les rebelles syriens).

Toujours dans cet article de l’AFP, nous avons alors droit à un tableau très « couleur locale » de notre reporteur missionnaire. Nous sommes « dans le djebel Shahchabou, de petites montagnes surplombant la plaine agricole où se trouve Treimsa, un groupe de révolutionnaires discute autour du traditionnel thé sucré brûlant ». Manque le bruit du vent dans les arbres, le bruit des insectes, les mouches que l’on chasse d’un revers de Keffieh, etc. Ces révolutionnaires ont l’air visiblement stressé par les bombardements incessants et les attaques brutales de l’armée syrienne. Ils ont juste le temps de prendre leur thé, tout en discutant.

Et voilà que de ces discussions fuse l’explication, la vérité sur le pourquoi des attaques des troupes de Bashar Al-Assad : "Treimsa est entourée d'alaouites, voilà la raison !" et puis "Tous les alaouites sont des chabbihas !" et encore "Assad veut éliminer tous les sunnites" et enfin "Il veut créer une guerre confessionnelle". Tout est dit, notre esprit curieux est désormais satisfait, nous avons enfin le pourquoi des agissements militaires syriens, notre soif de connaître est apaisée. Quelques assertions et la messe est dite. C’est assez sommaire, tout de même…

Dans les pérégrinations de notre reporteur de guerre, nous rencontrons dans la ville sunnite de Kornaz,  un « chef politique de la révolution » lequel, en nécessaire sage qu’il est, « joue l'apaisement ». "Le régime veut transformer la révolution en guerre civile. Mais nous refusons ça. Depuis des décennies, nous avons eu des relations amicales avec les alaouites, et aujourd'hui encore. (...) Nous pouvons pardonner aux alaouites qui ne sont pas mêlés au massacre." Très beau discours, en effet. Mais fomenter une guerre civile, c’est sûrement la dernière chose que ferait Bashar Al-Assad car, compte tenu des factions existantes, des composantes religieuses, claniques, familiales, il serait certain de perdre. Et ce « chef politique de la révolution » lui, bien entendu, refuse cette option ; rappelons-nous, c’est un « sage », il « peut pardonner » (il peut mais… le fera-t-il ?).

Mais qui croit-il encore berner ce journaliste militant, partisan et aux ordres ? C’est justement par leurs attaques que les « rebelles » détruisent le pacte de coexistence, polarisent les populations, menant immanquablement au chaos, à la guerre civile. Et que dire des activistes étrangers dans le camp des rebelles (comme en Lybie) ? Que dire de l’idéologie qui sous-tend ces membres de l’ASL, et des autres composantes de la rébellion ? Que dire des moyens financiers et matériels qui viennent alimenter la rébellion ? Que dire aussi des pays alentours qui se servent de la Syrie pour régler leurs antagonismes (Chiite / Sunnite, nationaliste arabe / pan-islamiste) ? Que dire de l’action délétère des pays « occidentaux » (USA, France, UE, etc.) ? C’est pourtant en répondant à ces quelques questions que nous pourrions un peu mieux saisir ce qui se passe en Syrie, les enjeux, les intérêts (politique, économique et stratégique) des uns et des autres. Mais le « grand reporteur de l’AFP » ne nous en dit absolument rien. Il a brossé son tableau-écran (de fumée), allant strictement dans le sens « qui va bien » (univoque et binaire) et il a bien sûr dés-informé le lecteur, formaté les esprits ; mais ce n’est pas grave, voyez-vous, c’est pour « la cause »…

Notre but ici n’est pas de défendre le régime de Bashar Al Assad - quoi que l’on puisse penser – mais de dire et redire que la réalité n’est pas binaire, que dans un conflit il n’y a JAMAIS les « bons » d’un côté et les « méchants » de l’autre, que la première des victimes est avant tout la vérité. C’est pourquoi nous cherchons ici à dire ce que l’on ne nous dit pas, à nous prémunir des e-manœuvres d’étouffement et à dénoncer les attaques massives dont nous sommes l’objet par les médias aux ordres de l’idéologie bienpensante et mondialiste.

L’on apprendra dans quelques temps (semaines, mois, années) la réalité de ce qui s’est passé en Syrie (comme en Irak, en ex-Yougoslavie, en Lybie, etc.), mais là encore ce sera trop tard, la guerre aura été vendue, le régime renversé, les règlements de compte effectués, la Shari’ah instaurée, les minorités chrétiennes discriminées, massacrées ou chassées (comme ce sera le cas des autres minorités, musulmanes celles-là mais non conformes à la doxa radicale-islamiste), les objectifs mondialistes auront été atteints, et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes…

Dormez braves gens, tout va bien, vous êtes informés par de grands journalistes…  

NB : La situation est très préoccupante. Si d'aventure les "occidentaux" (entendez les zalliés ou encore zeuro-atlantistes mondialistes) lançaient une attaque militaire en passant outre le Conseil de Sécurité des Nations Unies, la Russie prendrait très mal la chose et n'accepterait pas une telle humiliation. C'est la porte ouverte vers l'escalade et peut-être même la guerre généralisée.

pinocchio 

Notes :

 

(1) Cf. http://www.lefigaro.fr/international/2012/07/17/01003-20120717ARTFIG00525-jacquier-l-enquete-francaise-pointe-les-rebelles-syriens.php

(2) http://lavoiedelepee.blogspot.fr/2012/07/bh-larmee-invisible.html

(3) Cf. Diffamation sur commande, in http://www.horizons-et-debats.ch/0709/20070310_05.htm

 

 

Iconographie :

Couverture du livre de John Mersheimer.

Pinocchio, personnage de Carlo Lorenzini, dessiné pour le film de Walt Disney.

Ruban mensonge-vérité, sur le site de Stephen Pitt : http://www.light-to-dark.com/the_lie_is_their_truth.jpg

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